Depuis quelques semaines, le Japon a commémoré le 71ème anniversaire du bombardement nucléaire de la ville Hiroshima au Japon, le 6 août 1945. La maison d’édition égyptienne Al-Mahroussa a saisi cette occasion pour lancer les 3 premiers tomes sur dix de la bande dessinée japonaise « Gen aux pieds-nus » (le titre original) en langue arabe, ou « Gen d’Hiroshima » (d’après la traduction française). Ce manga a été publié pour la première fois durant les années 1973-1974 par un périodique japonais, puis par la presse américaine en 1982, devenant l’un des icônes des bandes dessinés et le plus célèbre dans le monde, traduit en 20 langues et transformé en dessins animés. L’auteur du manga, Kenji Nakazawa, est né en 1939 et vit à Hiroshima. Il nous livre un récit autobiographique bouleversant sur la tragédie humanitaire de Hiroshima, à travers sa propre expérience et sa famille durant cette période. Dans le Japon militariste, le pacifisme du père de Gen (le protagoniste) est de moins en moins supporté par les autorités locales et le voisinage. Lui et sa famille subissent toute sorte d’insultes et de persécutions à cause de sa position par rapport à la guerre en cours (la deuxième guerre mondiale). Il est régulièrement arrêté et battu. Leur pauvreté et leur faim s’aggravent davantage à cause du boycottage imposé par leur entourage, ce qui mène Gen et son frère à accepter des métiers médiocres, mendier dans les rues, ou même voler pour assouvir la faim de leur mère enceinte et affaiblie par la malnutrition. Ainsi, Gen mérite le surnom « Gen aux pieds-nus ». Quant au fils ainé, il s’engage dans l’armée pour prouver qu’il n’est pas un « fils de traître ».
Ensuite, le bombardement de Hiroshima cause la perte de milliers de vies et le bouleversement de la vie des autres qui survivent. Dans ce bombardement, Gen perd son père, sa sœur et son petit frère.
Nakazawa couvre plusieurs années après Hiroshima afin de montrer les conséquences sur le long terme comme les maladies mortelles dues aux rayonnements radioactifs. Il insiste également sur les traumatismes de la société japonaise : rejet social des victimes de la bombe qui symbolise la défaite pour les japonais, et la peur d’être contaminé par eux, famines et pauvreté entrainant marché noir, criminalité des yakuzas et orphelins délinquants. Lui-même hésite de publier ce manga, à cause de ce rejet et cette peur face à ces victimes. Il critique vivement l'impérialisme et l'aveuglement des militaires, des entreprises et de l'empereur qui ont conduit à la guerre. Il s'attaque également à l'occupation américaine : étudiant comme des cobayes les victimes de la bombe, censurant les informations au sujet des conséquences de l'explosion... Gen aux pieds-nus traite surtout du courage et de la nécessité de se reconstruire et de grandir après un drame. Nakazawa utilise la métaphore du blé tout au long de l'ouvrage : « Soyez comme ce blé, fort, même si vous vous faites piétiner… ».